Euro-Toques : le lobby des cuisiniers prend la mer

Société secrète, discrète, inconnue du grand public, l’association européenne Euro-Toques, qui regroupe des centaines de chefs européens, est un lobby qui a tombé le masque lors de son passage à Metz, cette semaine.

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Groupe de pression clairement revendiqué, l’association Euro-Toques a décidé d’irriguer les régions et de populariser son action en allant au contact du grand public. L’un de ses deux présidents, le chef étoilé, Bocuse d’or 1991, Meilleur ouvrier de France la même année et Mosellan, Michel Roth, a ainsi réuni à Metz le gratin de ses confrères du Grand Est.
Conviés chez Alexandre Neveu, chef du Jardin des chefs, les cuisiniers ont, naturellement, partagé un bon gueuleton et, surtout, leur vision de l’avenir au sein d’Euro-Toques. L’air de rien, cette association est une institution fondée il y a trente ans par le légendaire Paul Bocuse et son alter ego belge, Pierre Romeyer.

Code d’honneur

Ces deux génies des fourneaux ont établi un code d’honneur des chefs adhérents à leur mouvement : qualité des produits, sincérité du travail, défense d’une alimentation saine… Un label, mais pas seulement. « Dès l’origine, Euro-Toques est un lobby qui a voix au chapitre à Bruxelles, indique Michel Roth. L’objectif est de peser dans les débats sur les grands enjeux alimentaires et sur les réglementations européennes. »
Euro-Toques s’est, par exemple, illustrée dans le bras de fer qu’avait engagé la France au début des années 90 avec l’Union européenne pour défendre le camembert, mais aussi le roquefort, le reblochon et le vacherin. L’intention de l’Europe avait été alors d’imposer le lait pasteurisé pour la fabrication de nos emblèmes nationaux gorgés de lait cru. « Une émasculation », s’était même enhardi à l’époque le prince Charles d’Angleterre.

Camembert et chocolat

Il y a une petite dizaine d’années, Euro-Toques s’est impliqué dans les discussions sur la teneur en matières grasses du chocolat. L’Europe, qui n’est jamais à court d’idées, souhaitait, cette fois, autoriser l’usage de n’importe quelles graisses, végétales et animales, en remplacement du pur beurre de cacao dans la composition du chocolat.
« On a fini par obtenir une teneur de 45 % de graisses végétales, alors qu’on était parti de 70 % de graisses d’origines diverses », rappelle Monique Bescond, ambassadrice, conseillère du président de la République et lobbyiste assumée face aux puissants groupes de l’industrie agroalimentaire qui font la pluie et le beau temps à Bruxelles.
Autre année, autres chantiers. En 2017, Euro-Toques va s’attaquer à la défense des produits de la mer : surpêche, gestion des ressources, préservation des espèces comme la coquille Saint-Jacques. Sa communication grand public va aussi s’exprimer dans deux grosses opérations de lutte contre l’obésité infantile et contre le gaspillage alimentaire.

 

Le Républicain Lorrain – par Thierry Fédrigo
Paru le 13 janvier 2017